Actes de discrimination envers les migrant·e·s : le cas ukrainien

Margot Kech 
Stagiaire à la FUCID, étudiante en master de Science de la Population et du Développement (ULiège)

Depuis le début des assauts russes en février 2022, des millions de ressortissantes et ressortissants ukrainiens affluent aux portes de l’Union européenne. Les autorités en place, ainsi que de nombreux citoyennes et citoyens européens, se mobilisent pour accueillir ces réfugié·e·s [1]Il convient de faire la différence entre : « Migrant·e : Dans le langage courant, désigne toute personne qui quitte ou a quitté son pays – volontairement ou de manière forcée – et se retrouve dans un autre pays de manière temporaire ou durable. Ce terme générique désigne toutes les … Continuer de lire en quête de sécurité. Si cette mobilisation solidaire est à applaudir et à encourager, l’accueil massif de cette migration venant de l’Est met pourtant en exergue une double discrimination. La première se manifeste au sein même de la population fuyant le territoire ukrainien : des pratiques de discrimination raciale ont été dénoncés aux postes-frontières entre l’Ukraine et la Pologne. La deuxième se présente envers d’autres migrations provenant des pays du Sud qui elles ne bénéficient pas d’un accueil favorable.

Répercussions migratoires pour l’Union européenne

L’impact le plus prévisible de cette guerre est celui de la migration. Même si une partie de la population est dans l’obligation de s’enrôler [2]Tous les hommes entre 18 et 60 ans doivent s’enrôler dans l’armée ukrainienne., des millions de citoyen·ne·s ukrainien·ne·s ont déjà quitté leur pays afin de fuir l’enfer de la guerre. En mai 2022, près de 8 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de l'Ukraine et plus de 5 millions ont fui en dehors du pays (Bathke, 2022) – des chiffres plus élevés encore que l’estimation du Commissaire européen chargé de la gestion des crises, Janez Lenarčič, qui avertissait déjà sur le risque d’une crise humanitaire sans précédent. Pour le moment, les ressortissant·e·s ukrainien·ne·s se dirigent principalement vers les pays limitrophes (la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, la Russie) et vers d’autres régions d’Ukraine. Toutefois, l’Europe en son entier se voit dans l’obligation de se mobiliser afin d’accueillir des millions de migrants et migrantes.

À ce mouvement de masse ukrainien se greffent de nombreux journalistes, artistes, cinéastes russes. D’une part, ils et elles ne souhaitent pas être assimilé·e·s au régime russe et d’autre part, en restant dans leur pays, ils risquent la répression ou la mort. Un an auparavant, le Conseil de l’Europe attirait déjà l’attention sur les atteintes à la démocratie et les violations des droits humains par la Fédération de Russie en « déplor[ant] la répression de la société civile, de l’opposition extraparlementaire et des journalistes critiques ainsi que les restrictions imposées par les autorités russes sur les libertés fondamentales, notamment la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté d’association » (Schennach Stefan, 2021).

Réfugiés blancs et noirs : deux poids, deux mesures

Au lendemain des premières vagues migratoires en direction des pays européens, plusieurs médias nationaux (RTL-TVI, La Libre, etc.), associations et militant·e·s antiracistes déploraient des actes de discrimination raciale et de privilège blanc [3]L’expression « privilège blancs » exprime l’idée que les personnes à la peau blanches bénéficient sans s’en rendre compte et sans le mériter de privilèges (sociaux, politiques, économiques, etc.), non accordés aux personnes non blanches, et cela, dans un contexte semblable. Plus … Continuer de lire aux frontières ukrainiennes. Selon eux, plusieur·e·s ressortissant·e·s africain·e·s vivant en Ukraine ont été refoulé·e·s aux postes-frontières par les autorités ukrainiennes [4]Le nombre exact de refoulements est encore inconnu. (La Libre, 2022). Pour la plupart étudiant·e·s, ils et elles affirmaient « passer après les blancs » pour accéder aux transports en commun en direction de la Pologne, tandis que les Ukrainien·ne·s pouvaient passer sans contrôle d’identité ou autres conditions de sortie au préalable. À titre d’exemple, dans plusieurs vidéos, on peut voir certaines personnes noires refoulées aux frontières crier aux autorités armées : « Nous sommes étudiants, nous sommes innocents », « Ils ne laissent pas les Africains passer la frontière … », « Même les femmes avec enfants ne peuvent pas passer… », « Personne ne nous parle, personne ne se charge de nous » (Chebil, 2022). Selon certains témoignages recueillis auprès de migrant·e·s africain·e·s présent·e·s sur place, les gardes ukrainiens justifient leurs actes en expliquant qu’ils ont reçus des instructions de leurs homologues polonais : ils leur auraient annoncé ne plus pouvoir recevoir de migrants en Pologne, sans davantage d’explications.

Malgré les plaintes à répétition, Kiev et Varsovie ont démenti les accusations de discrimination raciale. Dans plusieurs communiqués de presse, les deux nations allèguent qu’aucune nationalité n’est favorisée lors du passage aux frontières. Pour elles, la seule et unique restriction de sortie vise actuellement les hommes de nationalité ukrainienne âgés de 18 à 60 ans, qui sont mobilisés pour défendre leur pays face à l'invasion russe. Mais les allégations officielles permettent-elles d’invalider les multiples preuves ?

Selon les chiffres de l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations), sur les 450 000 ressortissants étrangers qui vivaient en Ukraine avant la guerre, seulement 213 000 sont parvenus à quitter le pays à la mi-avril (Bathke, 2022). Le filtrage est tel que plusieurs gouvernements africains (Ghana, Afrique du Sud, République démocratique Congo, Sénégal, Nigéria) ont mis en place un programme de rapatriement intensif pour venir en aide à leurs ressortissant·e·s qui essayent de quitter l’Ukraine. L'Union africaine (UA) a par ailleurs fait part de son inquiétude après les accusations croissantes de comportements racistes à l'encontre de ressortissant·e·s africain·ne·s. Appliquer un « traitement différent inacceptable » aux Africain·e·s serait « choquant et raciste » et « violerait le droit international », a-t-elle souligné dans un communiqué (RFI, 2022).

Selon le collectif Sans Blanc de Rien [5]Sans Blanc de Rien est le projet d’un collectif belge qui lutte pour l'égalité des chances et contre le racisme, les préjugés et les stéréotypes raciaux véhiculés par notre culture., ce lamentable constat illustre ce qu’il y a, pour lui, de pire dans notre humanité et dans notre monde : le racisme, l’idée de la suprématie blanche [6]Suprématie blanche : « Idéologie fondée sur un système complexe de croyances sous-entendant la suprématie des valeurs culturelles et des normes des peuples d’origine européenne par rapport aux autres groupes humains. La suprématie blanche s’enracine dans l’histoire (pensons à la … Continuer de lire et la guerre. Dans les faits, la ferme condamnation de l’agression militaire russe est indiscutable, mais il reste inacceptable de nier les traitements racistes dont sont victimes les populations d’ascendance africaine, asiatique et latino-américaine. Pour les principaux concernés, ces refoulements arbitraires ressemblent à une double peine. En effet, être renvoyé au statut de migrant économique ressemble à une véritable douche froide pour ces jeunes venus faire des études poussées, avec des papiers en règle. Par cette guerre, leurs perspectives d’emploi sont totalement détruites, et leur rajouter le poids de cette discrimination raciale est épouvantable. Et pourtant, ce cas ne représente qu’un n’exemple parmi tant d’autres. Il faut prendre en compte l’ensemble des personnes qui subissent de telles discriminations.

Les personnes étrangères résidant en Ukraine sont également menacées de mort à cause des bombardements et des tirs effectués dans les territoires militarisés : cela fait d’elles, comme les Ukrainien·ne·s, des réfugié·e·s qui sont dans l’urgence de fuir un conflit armé. Ces personnes ont tout autant droit à une protection internationale accordée aux migrant·e·s fuyant la guerre. Comme le stipule l’article 3 de la Convention de Genève relative aux réfugiés, les dispositifs de ces conventions s’appliquent « sans discrimination quant à la race, à la religion et au pays d’origine » [7]Consultez l’entièreté de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés en suivent ce lien : https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62/.. Ce qui signifie que chaque individu a le droit de fuir son lieu de résidence pour sauver sa vie, et qu’il est du ressort de l’Union européenne de les accueillir sans aucune discrimination quelle qu’elle soit.

Les personnes étrangères résidant en Ukraine sont également menacées de mort à cause des bombardements et des tirs effectués dans les territoires militarisés : cela fait d’elles, comme les Ukrainien·ne·s, des réfugié·e·s qui sont dans l’urgence de fuir un conflit armé. Ces personnes ont tout autant droit à une protection internationale accordée aux migrant·e·s fuyant la guerre.

Si l’Union européenne a pu témoigner de sa grande solidarité en accueillant les réfugiés ukrainiens, et en exposant cet « élan de solidarité » dans les presses nationales et internationales, les autorités européennes devraient aussi s’assurer que les personnes étrangères résidentes en Ukraine puissent être évacuées en toute sécurité et sans subir de discrimination lorsqu’elles tentent de traverser les frontières de l’Union européenne. Ce « tri migratoire » envers les populations étrangères représente une profonde atteinte à la dignité et aux droits humains en général (Amnesty International, 2022).

Différences de traitement dans l’accueil européen : justifiées ou non ?

L’élan de solidarité global envers les populations ukrainiennes peut représenter un bel espoir pour l’amélioration de l’accueil migratoire en Europe. Le système est encore boiteux, mais la mobilisation est là. Toutefois, la migration liée à la guerre russo-ukrainienne reçoit un traitement totalement différent par rapport aux migrations provenant d’autres conflits mondiaux. Depuis des mois, les élu·e·s tonnent au Parlement et sur les réseaux sociaux : « il n’est pas question de laisser un Ukrainien sans toit » (Kihl, 2022). C’est « honorable » de loger, nourrir et soutenir les familles ukrainiennes, mais qu’en est-il des citoyens syriens, palestiniens ou afghans qui se présentent aux portes de l’Europe et qui sont soumis à des procédures d’asile longues et douloureuses ? Pourquoi n’ont-ils pas droit au même traitement ?

L’Union européenne a décidé d’appliquer, pour la première fois, une directive datant de 2001 qui accorde une protection temporaire aux personnes fuyant une guerre. Cette législation, activée pour les Ukrainien·ne·s, stipule que les victimes pourront séjourner dans l’UE pendant minimum un an et qu’elles auront accès au marché de l’emploi, à des logements, à des aides sociales, au système éducatif et aux soins de santé [8]Consultez l’entièreté de cette directive européenne (2001/55/CE) en suivant ce lien : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=celex%3A32001L0055/.. Ici, nous observons un bel exemple de l’expression « deux poids, deux mesures », puisque cela fait des décennies que d’autres guerres éclatent dans le monde, mais que ce mécanisme n’a jamais été activité avant la crise ukrainienne. Si l’aide et les mesures en place sont totalement justifiées, le véritable problème est de comprendre pourquoi d’autres personnes fuyant la guerre, telles que les Syriens, les Palestiniens ou les Yéménites, n’ont pas pu bénéficier de ce mécanisme d’urgence. Les conflits qu’ils subissent sont semblables à celui en Ukraine : des tirs et des bombardements à répétition dans un climat d’insécurité permanente. Pourtant, la différence de traitement est réelle.

Depuis le début de cette guerre sanguinaire, bon nombre d’acteurs se sont massivement mobilisés pour aider ces réfugié·e·s ukrainien·e·s : hébergement, donation, récolte de fonds, etc. C’est le cas, par exemple, de la ville de Namur qui a créé une rubrique spécifique sur son site Internet pour l’occasion. Ici, l’hébergement est facilité, organisé et créé par la Ville, alors que, dans des cas précédents, l’aide aux personnes migrantes a été criminalisée. Cela a été le cas pour quatre hébergeurs qui ont été poursuivis en justice, puis finalement acquittés, pour avoir été complices d’un « trafic d’êtres humains ». Ce simple geste de solidarité qu’est l’hébergement de personne dans le besoin s’est ainsi transformé en une affaire criminelle de grande envergure (Belga, 2021). Pour aller plus loin, en 2018, le gouvernement belge a même déposé un projet de loi autorisant la police à pénétrer dans le domicile des personnes qui hébergent des sans-papiers.

Alors que cela fait des années que l’accueil migratoire belge et européen est dit « saturé », des centaines de logements ont été débloqués pour les Ukrainien·e·s, comme par magie. Le dicton « situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle » n’a jamais été aussi véridique, mais au détriment de qui et de quoi ? Certains articles de presse affirment que plusieurs étranger·e·s vivant dans des logements sociaux ont été contraints de quitter les lieux afin de laisser leurs places aux victimes ukrainiennes. Ces personnes se retrouvent alors, pour la majorité, à la rue (Brahim, 2022). Imposer des mesures dans le but de soutenir les victimes de la guerre est légitime, mais les imposer en expulsant d’autres personnes rend cette aide indigne (de Thier, 2022). Et puis, il y a aussi tous ces migrant·e·s qui attendent dans le froid l’avancée de leur procédure d’asile.

Dans maintes interviews médiatiques, la migration venant d’Ukraine paraît obtenir une attention particulière quant à sa « qualité professionnelle » ou à sa « ressemblance avec les familles occidentales » par rapport celle d’autres étrangers. Ce que l’on voit sur les réseaux sociaux, dans les journaux, ou sur les chaînes médiatiques depuis le début de la guerre russo-ukrainienne est un racisme décomplexé et une réelle discrimination : il s’agit de privilégier certain·e·s migrant·e·s plutôt que d’autres en raison de leur origine ethnique et géographique.

Pour justifier cette discrimination, le secrétaire d’État belge à l’asile et à la migration, Sammy Mahdi, a annoncé que l’aide envers les Ukrainiens et Ukrainiennes est « correcte » étant donné que ce sont nos voisins. De plus, la ressemblance avec la « famille européenne classique » est aussi indiquée comme étant un élément justificateur de ce traitement différentié (Le Soir, 2022). Toutefois, ces politiques semblent oublier que la définition établie par le droit international pour qualifier un réfugié est bien moins discriminatoire qu’elle semble être à leurs yeux. Aussi, dans maintes interviews médiatiques, la migration venant d’Ukraine paraît obtenir une attention particulière quant à sa « qualité professionnelle » ou à sa « ressemblance avec les familles occidentales » par rapport celle d’autres étrangers. Ce que l’on voit sur les réseaux sociaux, dans les journaux, ou sur les chaînes médiatiques depuis le début de la guerre russo-ukrainienne est un racisme décomplexé et une réelle discrimination : il s’agit de privilégier certain·e·s migrant·e·s plutôt que d’autres en raison de leur origine ethnique et géographique.

Le cas Ukrainien : un exemple de domination Nord-Sud

Là où l’on parle des réfugié·e·s ukrainien·ne·s comme des victimes à accueillir, les migrants venant d’Afrique ou du Moyen-Orient sont généralement présentés comme des migrants économiques venus creuser le chômage et les inégalités sociales, tout en étant incapables de s’intégrer à nos coutumes. Un terme rarement apposé sur le migrant économique du Nord, vu comme un simple travailleur, un « expatrié » ayant les mêmes valeurs que « nous ». Pourtant, la facilité de déplacement de ces deux groupes et l’accueil qui leur est réservé, sont en grande partie définis par leur lieu de naissance (un passeport belge est bien plus puissant qu’un passeport syrien)[9]Il est possible de voyager dans 30 pays sans visa avec un passeport syriens contre 184 pays pour un passeport belge. ou par leur capital financier (une personne avec suffisamment d’argent peur s’acheter un passeport puissant)[10]En Europe, « trois pays disposent de régimes de citoyenneté contre investissement : Malte, la Bulgarie (où le gouvernement a déposé un projet de loi pour y mettre fin) et Chypre (qui ne traite que les demandes soumises avant novembre 2020). Douze pays de l'UE ont des régimes de résidence … Continuer de lire.

Alors que nos débats quotidiens tournent sans cesse autour des vagues migratoires sans précédent et de l’incapacité du Nord à répondre aux demandes d’accueil, il est également très peu mentionné que les pays qui accueillent le plus de réfugié·e·s et migrant·e·s au monde sont les pays du Sud [11]La grande majorité des migrant·e·s ne franchissent pas de frontières ; ils sont beaucoup plus nombreux à se déplacer à l’intérieur des pays. Parmi les migrants internationaux, seul un tiers s’est déplacé d’un pays en développement vers un pays développé. En effet, contrairement … Continuer de lire, pour la plupart limitrophes des pays connaissant des guerres ou des catastrophes climatiques. De ce fait, le véritable enjeu n’est pas les migrations Sud-Nord, mais celles Sud-Sud (Belguidoum et Mohammedi, 2015).

Un autre exemple de cette ligne de fracture entre pays du Nord et du Sud se retrouve dans le racisme envers les personnes migrantes - dites « de qualité » ou non. Une vision en partie ancrée dans l’imaginaire de peuples civilisés ou non civilisés, héritée de l’époque coloniale. C’est en effet à cette époque que le concept de races a été développé afin de justifier la colonisation, et les préjugés qui y sont liés perdurent encore à l’heure actuelle au sein de nos pays (Bouamama, 2021).

Tri migratoire, entre discriminations et préjugés

La situation vécue par les étudiant·e·s africain·ne·s expulsé·e·s des trains aux frontières et celle des étranger·e·s contraint·e·s de loger dehors pour laisser leurs places aux ressortissants ukrainiens sont similaires. Dans les deux cas, une différence de traitement révèle une discrimination condamnable par de nombreuses législations internationales telles que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH), la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 [12]Consultez l’entièreté de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés en suivent ce lien : https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62/. ou encore, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 [13]Consultez l’entièreté de cette convention en suivant ce lien : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-convention-elimination-all-forms-racial/..

Pourtant, sans le dire clairement, l’Union européenne (dont le gouvernement belge) fait une distinction entre les réfugié·e·s provenant de l’Europe et ceux·celles venant des pays du Sud. Alors que l’État belge a déjà été condamné pour sa mauvaise gestion de l’asile et de l’accueil, celui-ci ne semble pas retenir la leçon (Belga, 2022). Selon les dires de Jean Kitenge, administrateur de DéFI Jeunes : « il y a les réfugiés acceptables, et ceux qui – implicitement – le seraient moins » (2022). Cette logique se retrouve aux frontières de l’Ukraine, et au sein même de l’accueil européen.

Lorsque certains candidats à l’élection présidentielle française parlent de « bonne » et de « mauvaise » immigration (Valeurs Actuelles, 2022 ; Krempf, 2022) ou, quand le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale Française, Jean-Louis Bourlanges, explique que les réfugiés ukrainiens constitueraient « une immigration de grande qualité » (interviewé par Pavlenko, 2022), il est sans doute crucial de leur rappeler quelques principes des droits Humains, comme celui d’« unité de l’Homme », au nom duquel aucun être humain n’est indésirable. Faudrait-il leur rappeler qu’en signant la convention de Genève, les États s’engagent à ce que chaque réfugié bénéficie des mêmes droits de protection de la part des pays hôtes, et ce peu importe son origine ou sa nationalité ?

L’impératif est que l’Europe et ses pays ressortissants reconnaissent cette différenciation dans le traitement des personnes migrantes et qu’ils déploient des instruments de protections collectives sans discrimination pour les multiples nationalités fuyant leurs pays en guerre.

L’impératif est que l’Europe et ses pays ressortissants reconnaissent cette différenciation dans le traitement des personnes migrantes et qu’ils déploient des instruments de protections collectives sans discrimination pour les multiples nationalités fuyant leurs pays en guerre. Des collectifs [14]https://www.cncd.be/Guerre-en-Ukraine-pour-un-accueil se mobilisent déjà pour que les moyens ayant bénéficié aux personnes fuyant la guerre en Ukraine soient alloués à toute autre personne ayant besoin de protection, en dehors de toute logique de concurrence entre elles. Rejoignons-les sans hésiter !

Références

Références
1 Il convient de faire la différence entre : « Migrant·e : Dans le langage courant, désigne toute personne qui quitte ou a quitté son pays – volontairement ou de manière forcée – et se retrouve dans un autre pays de manière temporaire ou durable. Ce terme générique désigne toutes les personnes qui migrent, quel que soit leur statut de séjour ou la raison de leur départ : demandeur·euse·s d’asile, réfugié·e·s, personne sans papiers, étudiant·e·s, expatrié·e·s, travailleur·euse·s étranger·e·s…
Réfugié·e : Personne qui satisfait aux critères définis par la Convention de Genève de 1951. Celle-ci précise qu’un·e réfugié·e est une personne qui a fui son pays “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays”.
Demandeur·euse de protection internationale [/d’asile] : Désigne une personne qui a fui son pays en quête de protection, qui a introduit une demande d’asile et qui est en cours de procédure, en attendant que cette demande soit définitivement acceptée ou rejetée par la Belgique. » Source : https://www.cire.be/publication/refugie-demandeur-dasile-migrant-lexique-et-definitions/.
2 Tous les hommes entre 18 et 60 ans doivent s’enrôler dans l’armée ukrainienne.
3 L’expression « privilège blancs » exprime l’idée que les personnes à la peau blanches bénéficient sans s’en rendre compte et sans le mériter de privilèges (sociaux, politiques, économiques, etc.), non accordés aux personnes non blanches, et cela, dans un contexte semblable. Plus d’explications : https://www.franceculture.fr/societe/le-privilege-blanc-existe-t-il.
4 Le nombre exact de refoulements est encore inconnu.
5 Sans Blanc de Rien est le projet d’un collectif belge qui lutte pour l'égalité des chances et contre le racisme, les préjugés et les stéréotypes raciaux véhiculés par notre culture.
6 Suprématie blanche : « Idéologie fondée sur un système complexe de croyances sous-entendant la suprématie des valeurs culturelles et des normes des peuples d’origine européenne par rapport aux autres groupes humains. La suprématie blanche s’enracine dans l’histoire (pensons à la colonisation et à l’impérialisme) et dans les institutions (justice, éducation, etc.) ». Plus d’informations en suivant ce lien : https://liguedesdroits.ca/lexique/suprematie-blanche-ou-domination-blanche/.
7, 12 Consultez l’entièreté de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés en suivent ce lien : https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62/.
8 Consultez l’entièreté de cette directive européenne (2001/55/CE) en suivant ce lien : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=celex%3A32001L0055/.
9 Il est possible de voyager dans 30 pays sans visa avec un passeport syriens contre 184 pays pour un passeport belge.
10 En Europe, « trois pays disposent de régimes de citoyenneté contre investissement : Malte, la Bulgarie (où le gouvernement a déposé un projet de loi pour y mettre fin) et Chypre (qui ne traite que les demandes soumises avant novembre 2020). Douze pays de l'UE ont des régimes de résidence contre investissement. Les niveaux d'investissement minimums vont de 60 000 € à 1 250 000 €. » (Parlement européen, 2022).
11 La grande majorité des migrant·e·s ne franchissent pas de frontières ; ils sont beaucoup plus nombreux à se déplacer à l’intérieur des pays. Parmi les migrants internationaux, seul un tiers s’est déplacé d’un pays en développement vers un pays développé. En effet, contrairement à ce que les discours actuels portent à croire, la majorité des migrations ne s’effectuent pas du Sud vers le Nord, mais entre pays de même niveau de développement : 60% des migrants se déplacent entre pays développés ou entre pays en développement (La Cimade).
13 Consultez l’entièreté de cette convention en suivant ce lien : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-convention-elimination-all-forms-racial/.
14 https://www.cncd.be/Guerre-en-Ukraine-pour-un-accueil

Bibliographie
  • Amnesty International, 16 mars 2022, « Protection internationale pour les personnes fuyant l’Ukraine », déclaration publique, https://www.amnesty.be/IMG/pdf/de_claration_publique_ukraine-3.pdf
  • Bathke Benjamin, 15 avril 2022, « Plus de 200 000 étrangers d'Ukraine ont déjà fui la guerre, l'OIM appelle à l'égalité de traitement entre les réfugiés », Info Migrants, https://www.infomigrants.net/fr/post/39880/plus-de-200-000-etrangers-dukraine-ont-deja-fui-la-guerre-loim-appelle-a-legalite-de-traitement-entre-les-refugies
  • Belga, 26 mai 2021, « Les hébergeurs de migrants sont acquittés par la cour d’appel de Bruxelles », RTBF, https://www.rtbf.be/article/les-hebergeurs-de-migrants-sont-acquittes-par-la-cour-dappel-de-bruxelles-10769611
  • Belga, 21 janvier 2022, « L’Etat belge condamné pour sa mauvaise gestion de l’asile et de l’accueil », RTBF, https://www.rtbf.be/article/letat-belge-condamne-pour-sa-mauvaise-gestion-de-lasile-et-de-laccueil-10919350
  • Belguidoum Saïd et Mohammedi Sidi Mohammed, 2015, « Les migrations- vues du Sud », revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, pp. 11-23.
  • Bouamama Saïd, 17 mai 2021, « Colonisation et immigration », CADTM, http://cadtm.org/Colonisation-et-immigration
  • Brahim Nejma, 23 mars 2022, « Un centre qui héberge de jeunes étrangers fait place nette avant l'arrivée des Ukrainiens », Médiapart, https://www.mediapart.fr/journal/france/230322/un-centre-qui-heberge-de-jeunes-etrangers-fait-place-nette-avant-larrivee-des-ukrainiens
  • Chebil Mehdi, 28 février 2022, « Exode à la frontière Ukraine-Pologne : "Ils nous refoulent juste parce qu'on est Noirs !" », France 24, https://www.france24.com/fr/europe/20220228-exode-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re-ukraine-pologne-ils-nous-refoulent-juste-parce-qu-on-est-noirs
  • De Thier Victor, 23 mars 2022, « "D'ici à la fin du mois, on devrait avoir 30.000 logements de crise pour les Ukrainiens", annonce Sammy Mahdi », RTBF, https://www.rtbf.be/article/d-ici-a-la-fin-du-mois-on-devrait-avoir-30000-logements-de-crise-pour-les-ukrainiens-annonce-sammy-mahdi-10960805%20
  • Kihl Lorraine, 8 mars 2022, « Le vrai ou faux: les réfugiés ukrainiens sont-ils mieux accueillis que d’autres? », Le Soir, https://www.lesoir.be/428815/article/2022-03-08/le-vrai-ou-faux-les-refugies-ukrainiens-sont-ils-mieux-accueillis-que-dautres
  • Kitenge Jean, 4 mars 2022, « Il y aurait donc de « bons » et de « mauvais » réfugiés… (carte blanche) », Le Vif, https://www.levif.be/international/il-y-aurait-donc-de-bons-et-de-mauvais-refugies-carte-blanche/
  • Krempf Antoine, 15 mars 2022, « Marine Le Pen dit-elle vrai sur les différences entre réfugiés syriens et ukrainiens ? », France Info, https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/marine-le-pen-dit-elle-vrai-sur-les-differences-entre-refugies-syriens-et-ukrainiens_4984794.html
  • La Cimade, « Les migrations internationales : faits et chiffres », https://www.lacimade.org/faq/les-migrations-internationales-faits-et-chiffres/
  • La Libre, 28 février 2022, « Des ressortissants africains seraient refoulés à la frontière entre l'Ukraine et la Pologne: "Les Etats sont tenus d'accueillir toute personne, indépendamment de tout critère, racial ou autre" », https://www.lalibre.be/international/europe/2022/02/28/des-ressortissants-africains-en-ukraine-seraient-refoules-par-la-pologne-les-etats-sont-tenus-daccueillir-toute-personne-independamment-de-tout-critere-racial-ou-autre-EWQC5ZTSIVAFLGJ4V5NG4LUC34/
  • Le Soir, 19 mars 2022, « Sammy Mahdi: «Jusqu’ici, 88% des logements pour les Ukrainiens ont été proposés par les citoyens» », https://www.lesoir.be/431016/article/2022-03-19/sammy-mahdi-jusquici-88-des-logements-pour-les-ukrainiens-ont-ete-proposes-par
  • Parlement européen, 4 mars 2022, « Les députés européens veulent mettre fin aux "passeports dorés" », https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/economy/20220228STO24220/les-deputes-europeens-veulent-mettre-fin-aux-passeports-dores
  • Pavlenko Dimitri, 25 février 2022, « «Ce que nous sommes profondément est menacé par Poutine», avertit Jean-Louis Bourlanges », Europe 1, https://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-dimitri-pavlenko/ce-que-nous-sommes-profondement-est-menace-par-poutine-avertit-jean-louis-bourlanges-4095943
  • RFI, 28 février 2022, « Guerre en Ukraine: l'UA dénonce le traitement raciste dont sont victimes les Africains », https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220228-guerre-en-ukraine-l-ua-d%C3%A9nonce-le-traitement-raciste-dont-sont-victimes-les-africains
  • Schennach Stefan, 2021, « Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie », Assemblée Parlementaire, Conseil de l’Europe, https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=28999&lang=FR
  • Valeurs Actuelles, 8 mars 2022, « Eric Zemmour assume une différence entre “immigration blanche chrétienne” et “immigration musulmane” », https://www.valeursactuelles.com/politique/eric-zemmour-assume-une-difference-entre-immigration-blanche-chretienne-et-immigration-musulmane

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